Une question que je me suis souvent posée consistait à savoir si une guerre était rendue indispensable/inévitable à partir du moment où les croyances d’un peuple étaient contaminées au point que celui-ci se mettait à croire lui-même à cette « indispensabilité/inévitabilité » ?
En d’autres termes existe-t-il un seuil de déclenchement psychosocial calculable concernant les événements de masse ?
Je pense que oui.
Par exemple, les dirigeants d'un pays "démocratique" pourraient, par une habile préparation médiatique, se sentir « autorisés » à mener une guerre, en ayant préalablement réussi à rallier à eux l’opinion publique. Dans un tel scénario, la séparation entre le pouvoir exécutif et les médias ne serait pas suffisamment "étanche", une partie non négligeable de la presse pouvant être mise au service du pouvoir, (par corruption ou pression).
Cela sous-entend que toute tentative de récupération, d'alliance ou de mise sous tutelle des médias par des gouvernements quelconques devrait être particulièrement suivie, car possiblement dangereux pour la démocratie.
(extrait du magazine "cerveau & psycho" n° 22)
Obtenir la reddition d'un ennemi sans avoir à le combatre installer le doute ou la peur dans son esprit, amener des forces armées à trahir leur chef: ces objectifs comptent parmi ceux de la guerre psychologique. Tracts, prise de contrôle des moyens de télécommunication, embrigadement des journalistes tous les moyens sont bons. Le passé récent l'a prouvé.
Le concept de guerre préventive semble facile à accorder avec la définition de la guerre juste. Il ne s'agit plus en effet de justifier la punition de celui qui tient un « pistolet fumant », autrement dit l'arme du crime qui vient d'être perpétré. Il faut justifier la punition d'un criminel potentiel qui envisage d'acquérir un pistolet. Il faut convaincre les opinions publiques que la guerre préventive est une guerre juste et faire en sorte que ce qui est fort paraisse juste. Nous prendrons pour exemple la guerre menée par la « Coalition » contre l'Irak et la guerre menée par l'« Alliance » contre la Serbie, toutes deux orchestrées par les Etats-Unis. La propagande de guerre américaine repose sur une structure complexe fonctionnant en réseaux, civils et militaires, publics et privés, idéologiques et industriels. Agences fédérales, agences privées de communication, lobby militaro-industriel, groupes de pression, think tanks (groupes de réflexion), industrie hollywoodienne du divertissement, agissent de façon synergique pour influencer l'opinion américaine et étrangère. Les structures militaires « d'influence » font partie des organes officiels de la désinformation. Le Bureau d'influence stratégique (Office of Strategic Influence ou OSI) était chargé de « fournir des données éventuellement fausses » aux dirigeants du monde entier, aux médias et aux opinions publiques. Il a été supprimé en 2002 pour avoir laissé savoir qu'il était prêt à mentir à son propre peuple et aux peuples alliés. Mais il a été aussitôt remplacé par le Bureau de communication globale (Office of Global Communication ou OGC), chargé de la désinformation. Ce bureau a également pour mission de discréditer toute information provenant d'un pays inamical, systématiquement accusé de développer un appareil de diffusion de mensonges (Apparatus of Lies). La « métapropagande » est l'art de dénoncer publiquement et bruyamment la propagande supposée de son adversaire afin d'ôter toute crédibilité à ses déclarations. Les Agences privées de communication telles que l'Agence Rendon et l'Agence Benador ont joué un rôle crucial dans la propagande anti-Saddam. Des millions de dollars ont été dépensés par le Département d'État pour diaboliser le président irakien (Saddam = Hitler), soutenir l'opposition et susciter des mouvements de rébellion, en particulier chez les Kurdes. Avant l'offensive contre l'Irak de 2003, des courriers électroniques ont été envoyés à tous ceux qui avaient accès à Internet, leur demandant d'indiquer les cachettes des armes de destruction massive et leur conseillant de se désolidariser de Saddam. De hauts gradés de l'armée irakienne ont reçu par cette voie des offres de récompenses importantes s'ils trahissaient leur pays.
Ces agences de communication étaient déjà intervenues lors de la première guerre d'Irak en 1991, l'agence Hill and Knowlton avait monté de toutes pièces l'affaire des couveuses : une jeune femme témoignait qu'elle avait vu des soldats irakiens faire irruption dans un hôpital au Koweït et tuer des prématurés dans leur couveuse. Ce témoignage avait ému l'opinion publique inter-nationale et avait été utilisé pour justifier l'intervention en Irak. Toutefois, c'était un faux témoignage, et la jeune femme était la fille de l'ambassadeur du Koweït à Washington. Plus récemment, elles ont participé à la mise en scène de la chute de la statue de Saddam au coeur de Bagdad, ainsi qu'à la fausse libération d'une soldate américaine devenue héroïne nationale, Jessica Lynch. Les militaires américains affectés aux psyops groups ont servi de conseillers auprès des journalistes, des reporters et des réalisateurs de cinéma. Quand aux journalistes « intégrés » dans les unités militaires, ils ont scrupuleusement respecté le devoir de réserve imposé d'ordinaire aux seuls militaires. La collaboration étroite entre le pentagone et Hollywood a conduit à la production d'émissions de téléréalité et de films « patriotiques ». Les professionnels du spectacle hollywoodien ont mis en scène l'héroïque libération de la soldate Jessica Lynch : blessée par balle, elle avait été séquestrée dans un hôpital irakien et sa libération nocturne par d'intrépides commandos américains, équipés de systèmes de vision infrarouge, avait pu être filmée. Promue au rang d'héroïne nationale, Jessinca Lynch devint la vedettes de soirées spéciales de téléréalité et de productions hollywoodiennes. En vérité, Jessica Lynch n'avait pas été blessée par balle, mais lors d'un accident de circulation. Elle n'avait pas été séquestrée mais soignée du mieux possible dans un hôpital irakien vide de toute présence militaire, et les médecins de l'hôpital avaient même tenté de l'évacuer spontanément vers un poste américain.
[...]
L’inconscient collectif d’un peuple cristallise un ensemble d’idées latentes au travers de sources informelles d’abord, puis progressivement exprimées, formalisées. Qui est capable de suivre ces mouvements, est en quelque sorte capable de prédire l’avenir. En veille informationnelle on appelle cela aussi la détection des « signaux faibles ».
Apparemment, certains ont su développer astucieusement des logiciels prédictifs qui présentent des caractéristiques présentées comme quasiment prophétiques. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de ce logiciel assez étrange de collecte et d'analyse qui a ce nom très générique de : « web bot technology » ?
Au départ prévu pour de la prédiction boursière il s'est finalement avéré aussi approprié pour plonger dans l'inconscient collectif humain et réaliser des prophéties… En allant interroger un grand nombre de sources de données, ce logiciel serait capable de regrouper et associer les sujets revenant les plus régulièrement autour d’une thématique posée. Lié à l’article précédent, se trouve un exemple instructif concernant une action terroriste qui devait avoir lieu aux Etats-Unis (et qui depuis a eut lieu): le niveau de précision et la "qualité" de la réponse est assez étonnant. Il me semble que cette possibilité ouvre de vastes terrains de recherche.
Cela étant, de façon plus artisanale, les sources d’information sur Internet, si elles sont tracées et suivies, peuvent constituer un bon indicateur. Par exemple, Google nous fourni un accès à un nombre important de sources d’informations, (essentiellement au travers de « Google News »). Par un suivi régulier du nombre de réponses apportées à une requête, un graphique offrant une tendance peut alors être progressivement consolidé.
Il m'a semblé utile et intéressant de prendre comme exemple la relation qui lie l'Iran et les rumeurs de guerre, ceci en m'appuyant sur des sources d'informations exclusivement américaines. J'ai réalisé cet "exercice" sur quelques séances avec les mots clés (entre quotes) : "war with iran".
Pour corriger les résultats et tenir compte des fluctuations du nombre de sources disponibles (4500 étant le nombre constamment affiché/revendiqué sur Google news), j’ai rapporté ceux-ci à l’évolution du mot clé « and ». A priori neutre, ce mot clé permet de témoigner de l’évolution du nombre et de la longueur des articles de presse analysés. Le nombre de réponses pour « war with iran » est ainsi corrigé par un ratio choisi proche de 1 au départ, (pour conserver une estimation réaliste). Ce ratio est tel qu'il devient plus grand que 1 si le nombre de réponses pour « and » dépasse 5 million et inférieur à 1 sinon.
Et finalement, du 22 mai au 15 juillet 2008, voici quelle est la tendance qui se dessine :
Date | #Réponses | #Réponses corrigées (/ratio) |
22/05/2008 14:47 | 319 | 331 |
23/05/2008 08:28 | 294 | 308 |
30/05/2008 16:54 | 360 | 340 |
05/06/2008 14:15 | 416 | 390 |
15/07/2008 22:11 | 629 | 586 |
En rapportant au temps passé, voici le graphique que nous pouvons obtenir :
Nous constatons un doublement du nombre d’articles sur la période considérée (axe horizontal en jours, qui démarre à 18, car j’avais antérieurement initié des recherches sur d’autres sujets). Ce qui est assez conséquent. A titre de comparaison, « war with iraq » passait de 506 réponses en juin à 291 le 15 juillet 2008.
Google fourni d’autres outils.
Google trends est un outil d'analyse des tendances de recherche. Il permet de savoir si une expression est souvent recherchée avec Google, s'il existe des variations saisonnières, etc. On peut même comparer plusieurs expressions sur le même graphique.
Ainsi cet outil devrait nous permettre de répondre à nos questions sur l'impact et la pression des médias sur la société. En pratique, il s’avère que ces statistiques sont des résultats indirects puisqu'elles concernent les requêtes des utilisateurs non pas les articles ou sites web publiés. Mais surtout, le point difficile à interpréter, c’est que Google Trends apparait afficher des irrégularités surprenantes :
En effet, ce qui peut s’observer sur le schéma ci-dessus, c'est que si le nombre de réponses varie au fil des mois -ce qui est normal-, il va aussi jusqu’à parfois tomber à 0 pendant plusieurs semaines. Ce qui apparait difficilement vraisemblable. Il serait intéressant de connaître la raison technique de ces variations.
Par ailleurs, les résultats de Google Trends sont difficiles à analyser car non rapportés aux nombres d'Internautes présents sur la toile. Par conséquent, le nombre de réponses a généralement tendance à croitre avec le temps. Logique mais cela rend plus difficilement compte de l'évolution de l'impact au niveau sociologique.
Si l’on compare avec les réponses fournies par Google News à partir du 2 mai 2008, voici ce que l’on obtient (résultats bruts) :
Rapporté à la période, ce n’est que vaguement ressemblant avec le graphique précédent. Pourquoi Google Trends fonctionne t-il de manière cyclique ? Je n’ai pas la réponse, mais il pourrait s’agir d’une condition peut-être purement technique concernant le log de suivi des réponses.
Plus intéressant et peut-être plus inquiétant la tendance proposée par « Google Suggest ». Cette fonctionnalité consiste à fournir à l'Internaute qui recherche des informations sur Google une liste des propositions au fur et à mesure qu'il saisi sa requête. Ceci dans le but de lui suggérer des pistes de recherche. Google Suggest affiche également le nombre de résultats associés à chacune de ces suggestions. Logiquement, si l’on tape « war with iran » là aussi les réponses évoluent au fil du temps. Voici quels étaient les mots clés suggérés sur les trois précédents mois, par date:
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il existe une certaine forme de progression dans les réponses offertes (faudra t-il parler de clairvoyance ?) :
Comment ces réponses sont-elles priorisées ? Mystère, puisqu’apparemment elles ne suivent pas le nombre de pages de résultats présentés par la pop-up qui s'ouvre. Néanmoins, il doit vraisemblablement s’agir du nombre d’occurrences sur les requêtes de recherche des Internautes. Mais alors pourquoi présenter la réponse "is the reality now" qui n'obtient que 623 réponses pour l'ensemble du web ? Cela est très faible en termes de niveau de résultat sur Google. (Concernant "is the reality now", il apparait que cette phrase est associée au travail d'un cheval de troie ayant propagé une rumeur sur la toile. Question: quels sont les opérateurs à l'oeuvre du botnet - storm botnet - qui propage de telles rumeurs?).
Quoiqu’il en soit, ce genre d’information si elle peut-être extraite de façon régulière et automatique semble pouvoir constituer un moyen prédictif intéressant. Il serait d'ailleurs intéressant d'élaborer une page web qui au fil du temps offre les tendances consolidées sur des mots clés choisis par les internautes. Ce serait assez simple à réaliser et surtout très « ludique ».
Quand au fond, sur la question posée par la requête "War with Iran ?": ... on verra bien. Simplement, faut-il craindre que ce genre d'article contribue lui-même à propager une idée dans l'inconscient collectif jusqu'à la transformer en fait ? ... Il vaut mieux ne pas l'espérer (!)